Les manuscrits de Tombouctou, trésors de sagesse et d'érudition
Les manuscrits de Tombouctou, trésors de sagesse et d'érudition
Ancien camp de nomades, la ville malienne est devenue aux 15e et 16e siècles un carrefour cosmopolite de sagesse et d’érudition.
Le nom de Tombouctou évoque parfois à certains l’imaginaire romantique de trésors enfouis dans une ville oubliée du nord-ouest de l’Afrique. C’est une association enchanteresse qui se rit toutefois de la véritable richesse de Tombouctou. L’authentique trésor de cette ville malienne nichée aux confins du Sahara réside dans l’ampleur de son histoire. Pendant son « âge d’or », aux XVe et XVIe siècles, Tombouctou a compté entre 50 000 et 100 000 résidents. Ses rues animées étaient bondées de marchands accompagnés de chameaux dont les caravanes marchandes s’étendaient à perte de vue aux abords de la ville.
De nos jours, la ville compte à peu près autant d’habitants mais les caravanes ont disparu. Le sable soulevé par les vents du désert a quasiment enseveli la route pavée qui traverse le cœur de la ville et l’asphalte n’est plus qu’une bande serpentine noire ; les chèvres paissent désormais en bordure de route juste devant les bâtiments en brique d’argile. Ce n’est pas la ville la plus coquette, avis partagé par les nombreux étrangers aux espoirs déçus qui s’y rendent depuis 1828, date à laquelle René Caillié est devenu le premier Européen à se rendre à Tombouctou et à réussir à en revenir vivant. Plutôt que d’or, Tombouctou s’est bâtie de teintes plus subtiles : celles du hâle couleur crème des parchemins, des briques d’argile, et du sable du désert.
Ce qui nous parvient de l’histoire de Tombouctou fait émerger une mosaïque qui la dépeint comme un nœud commercial abreuvé de richesses par la place qu’elle occupait, au carrefour de deux grandes artères économiques : l’itinéraire saharien emprunté par les caravanes et le fleuve Niger. Les marchands y importaient des tissus, des épices et du sel d’endroits aussi lointains que Grenade, Le Caire ou La Mecque, et les échangeaient contre de l’or, de l’ivoire et des esclaves issus des terres africaines.
Construite au 14e siècle l’aide de briques d’argile par le grand empereur malien Mansa Musa, la mosquée Djingareyber est aujourd’hui le plus ancien bâtiment de Tombouctou. Longtemps vénérée comme lieu de savoir, elle est l’une des trois mosquées appartenant à l’université de la ville.
Ces richesses ont nourri l’ascension de Tombouctou en tant que plaque tournante du commerce mais aussi en tant que carrefour du savoir. La ville a érigé des mosquées majestueuses qui attiraient les savants et qui à leur tour fondaient des académies et importaient des livres de l’ensemble du monde islamique. Parchemins et manuscrits sur vélin arrivaient par le réseau de caravanes qui reliait l’Afrique du Nord à la Méditerranée et à l’Arabie. Les familles fortunées, qui mesuraient leur statut au nombre de livres qu’elles accumulaient, faisaient copier et enluminer leurs œuvres par des scribes de la région. Les riches ont alors bâti de vastes bibliothèques abritant des ouvrages concernant la religion, les arts, les mathématiques, la médecine, l’astronomie, l’Histoire, la géographie et la culture.
Les origines de Tombouctou remontent au moins aux années 1100, quand un clan de Touaregs, peuple nomade du nord-ouest de l’Afrique, a levé le campement saisonnier qu’il avait installé sur les rives du Niger. D’après la légende, en partant vers le nord, ils ont confié leur campement à une femme du nom de Bouctou, qu’on pourrait traduire par « mère au nombril proéminent ». Quand vint le moment de retourner au camp, les Touaregs se sont mis à le désigner par le nom de Tin Buqt, « le puits de Bouctou ». C’est ce campement qui s’est développé et qui a donné la ville de Tombouctou dans les siècles qui ont suivi.
Aux 8e et 9e siècles, l’islam commença à se répandre en Afrique du Nord, d’abord en Égypte, puis sur l’ensemble du littoral maghrébin, de la Lybie à la Mauritanie en passant par la Tunisie, l’Algérie et le Maroc. De là, les marchands musulmans traversaient le Sahara avec leurs caravanes pour aller trouver de l’or, de l’ivoire et d’autres marchandises précieuses sur les rives du Niger et du Sénégal. En plus des richesses que leur apportaient le commerce dans la région, les habitants ont commencèrent à se convertir à cette nouvelle religion. Les marchands finirent par atteindre Tombouctou et par y répandre leur foi.
Au début du 13e siècle, les Malinkés peuplaient le petit royaume de Kangaba (situé près de l’actuelle frontière guinéo-malienne). Vers 1225, ils suivirent Sundiata, prince en exil et en rébellion contre Sumanguru, chef impopulaire ayant repoussé les marchands musulmans. Après s‘être emparé du pouvoir à Kangaba, Sundiata mena une guerre d’expansion et s’empara de l’ancien royaume du Ghana ainsi que de terres voisines regorgeant d’or et d’autres biens précieux. Tombouctou en faisait partie. Il se convertit à l’islam et accueillit les marchands musulmans sur ses terres.
Sous son règne, la région devint prospère au point qu’elle finirait par prendre le nom d’Empire du Mali. On y pratiquait volontiers la tolérance religieuse et les religions polythéistes traditionnelles s’épanouirent aux côtés d’autres croyances. La popularité de l’islam grandit, surtout dans la classe marchande. Quand Mansa Musa, grand-neveu de Sundiata, devint empereur, il fit de Tombouctou sa capitale. Il repoussa les frontières de l’Empire du Mali et pris le contrôle de villes comme Gao, à l’est, Oualata, à l’ouest, et Djenné, au sud.
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